Enfants et adolescents sont emportés par le maelström des écrans et autres « techniques de l’information et de la communication » présentes en tout lieu, à toute heure, et bénéficiant d’un extraordinaire attrait publicitaire. Ils donnent parfois l’impression d’en être dépendants, comme d’une drogue, et cette dépendance comporte des dangers évidents, visibles, et peut-être aussi des dangers cachés encore plus graves. Les propos de Jean-Louis Harouel comme ceux de Michelle Legrais dans son ouvrage « Petits écrans, grands maux » concernent la télévision, mais ils s’appliquent aussi bien à Internet, aux jeux vidéo, au téléphone, aux SMS, aux « réseaux », et à ce qui ne manquera pas de suivre.
Parmi les écueils des écrans, ceux de la télévision ont déjà été longuement évoqués dans différents média
Le temps passé devant les petits écrans, et qui, de ce fait, n’est pas mis à profit pour faire du sport, se cultiver, bricoler, agir…
L’immoralité des émissions : violence, scènes « crues », violences psychologiques,…
L’imagination : La télévision, par la multiplicité des visuels qu’elle propose sature l’imagination de l’enfant. La nature scintillante des images ainsi que la variation rapide de brillance, les visuels artificiels… provoquent chez l’enfant une fascination. Puis la fatigue visuelle entraîne une passivité, la volonté s’affaiblit.
La perception du réel : On remarque que les enfants ont beaucoup de mal à faire la différence entre réel et imaginaire ou distinguer la nature des émissions qu’ils regardent (fiction ou réalité, époque, lieu proche ou éloigné). Même sans violence, la télévision détache l’enfant du monde réel. Le flou entretenu par la télévision peut favoriser une instabilité émotionnelle et des difficultés relationnelles.
Modelage de l’enfant : L’ambiance émotionnelle est imposée à l’enfant de même que les images stéréotypées, alors que par la lecture, chacun met à profit son imagination. On peut constater que beaucoup de jeux actuels sont d’inspiration télévisuelle. Les images fortes que reçoit l’enfant par l’écran, l’impressionnent et l’influencent, au détriment de sa personnalité et de l’influence de ses parents.
Les médias audiovisuels influencent l’intelligence :
L’information est déjà façonnée : l’esprit critique et le goût de la recherche personnelle ne se développent pas.
La succession rapide des images, des sujets, favorise une vision réductrice et stéréotypée du monde. Le spectaculaire est privilégié au détriment de la profondeur des idées : La pensée n’arrive pas à se fixer.
L’acquisition du langage n’est pas non plus favorisée : il est inutile de nommer ce que l’on voit.. La télévision emploie un vocabulaire simple, voire vulgaire et truffé d’onomatopées. Or il semble que l’enfant doit acquérir les formes complexes du langage avant 6 ans, afin de pouvoir organiser son langage adulte et l’articulation de sa pensée.
Conclusion d’une maman au sujet des écrans et de la télévision : »Si on le souhaite, il est possible de faire, en famille, une utilisation modérée de la télévision. Il existe des cassettes vidéo où les images se succèdent à un rythme raisonnable. Il est surtout nécessaire de rester à côté de l’enfant qui regarde l’écran et de l’aider à mettre des mots sur ses émotions, l’aider à relativiser : c’est un dessin fait avec des crayons, le héros va s’en sortir, Tu n’aimes pas quand quelqu’un a mal et tu as bien raison, mais quelquefois ça arrive, Maintenant c’est un reportage, ces gens-la sont réels ils habitent en Afrique,…La télévision maîtrisée peut être un outil de découverte du monde. » Michelle LEGRAIS, pédiatre
L’excès de divertissement audiovisuel détruit les capacités d’attention
Il faut aussi souligner « les causes d’échec scolaire extérieures à l’école, notamment sous l’influence d’un excès de divertissement télévisuel que connaissent beaucoup d’enfants. Le désintérêt scolaire qui peut en découler, les discontinuités de l’attention qui peuvent en être la conséquence, constituent d’autres facteurs pouvant renforcer les effets négatifs du dysfonctionnement actuel de l’école. je n’approfondirai pas ici l’idée essentielle cependant pour comprendre l’écolier d’aujourd’hui, qu’il est téléspectateur avant d’être écolier ». Bien évidemment, la tâche des maîtres se trouve grandement compliquée par cette situation, nullement prise en compte par les responsables de l’institution scolaire. Il s’agit là d’un des nombreux facteurs de la condition actuelle des enfants.
La place grandissante tenue par le divertissement et la suggestion, amplement utilisées par les media, a fasciné un certain nombre de maîtres et de parents en quête de modernité : pas de vain didactisme, mais plutôt une approche attrayante – au risque d’être superficielle – des thèmes abordés qui ne devraient jamais lasser.
Voici quelques propos de Liliane Lurçatextraits de »La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs »– F.X. De Guibert 1998
« Alain Finkielkraut l’a bien vu : avec une jeunesse qui ne vit que pour le divertissement fondé sur l’image et la sonorisation techniciennes, la seule manière de rendre l’école attrayante aux adolescents serait d’ « enseigner la jeunesse aux jeunes ». Ce à quoi tend le pédagogisme, avec son obsession d’« ouvrir l’école sur la vie », sa volonté de faire entrer à l’école le monde moderne et sa technique (télévision, ordinateurs…). Il y a une tentation très forte de faire ressembler l’école à l’univers du divertissement médiatique, ce qui la nie en tant qu’école.
« La société technicienne actuelle a-t-elle organiquement besoin que tous les individus qui la composent sachent lire et écrire ? Ce n’est pas du tout certain. En tout cas une chose est sûre : elle n’a pas besoin qu’un grand nombre d’entre eux soient cultivés. Grâce aux progrès de la technique, les nécessités du savoir individuel sont infiniment moindres qu’aux époques antérieures. Par un effet pervers, le progrès technique, au point où il est aujourd’hui parvenu, tire la société vers le bas.
« Le facteur peut-être le plus important de la déculturation de l’école est l’impact sur les enfants et les adolescents de l’image technicienne et des autres formes du divertissement médiatique (bandes dessinées, musique rock, etc.). Dès l’enfance, les médias visuels et sonores s’imposent, occupant dans les esprits et les emplois du temps la place qui aurait pu être consacrée à la lecture et donc à la culture. Plus spectaculaire aux Etats-Unis, le phénomène n’en existe pas moins dans les autres pays occidentaux.
« Le divertissement engendré par la technique constitue pour les enfants et adolescents d’aujourd’hui une véritable contre-école, qui leur désapprend tout ce que leur apprend – ou devrait leur apprendre – l’école : sens de l’effort intellectuel, de la réflexion, aptitude à l’écriture, à la lecture, au raisonnement logique, qui sont le préalable à toute culture véritable. La télévision, notamment, ayant accoutumé d’enfant à se trouver constamment diverti, l’école ne peut plus que très difficilement l’instruire. Lire des livres, qui demande une concentration de l’esprit, et regarder la télévision, dont la nature est de rechercher la satisfaction du téléspectateur et non son développement, sont deux modes d’apprentissage entièrement différents, et Neil Postman voit dans ce fait le problème éducatif majeur de notre époque.
Le divertissement moderne par l’image et le son détruit chez les élèves le goût de l’effort, l’envie d’apprendre, la capacité et le désir de dire et d’analyser. En exil à l’école, le jeune téléspectateur n’accorde à l’enseignement qui lui est dispensé qu’une attention limitée et précaire. Les élèves sont de moins aptes à se concentrer et à rester concentrés : une dizaine de minutes est souvent le maximum. Extraits de »Culture et contre-cultures » Jean-Louis HAROUEL – PUF 1994 Ouvrage couronné par l’Académie des Sciences Morales et Politiques
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